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Alpinisme : 4 itinéraires sauvages des Ecrins !

En marge des courses classiques fréquentées, il existe dans les Ecrins une multitude d’autres lignes cachées, oubliées ou délaissées, souvent à tort. Embarquez avec Yann Romaneix, guide de haute-montagne et ambassadeur Masherbrum, à la découverte de quatre itinéraires sauvages du massif. Solitude garantie !

 

Mont Pelvoux par le couloir Tuckett (AD)

Itinéraire ouvert le 9 juillet 1862 par Françis Fox Tuckett avec Michel Croz et Peter Perren
 
Sommet emblématique du massif, le mont Pelvoux offre une multitude d’itinéraires pour conquérir le sommet de la pointe Puiseux à 3943m, avec notamment le renommé couloir Coolidge en face SW. L’alternative ? La voie Tuckett bien sûr !
 
La ligne est évidente depuis le refuge du Pelvoux. Elle n’est pourtant pas ou très peu fréquentée, malgré sa remise en avant grâce à l’ancien gardien du refuge du Pelvoux, Damien Haxaire. Cette course est surtout variée pour ceux qui aiment toucher à tout dans la pratique de l’alpinisme : rocher peu difficile (quelques pas de III+ au départ) avec un peu de recherche d’itinéraire, parfois du mixte, un couloir à 45°, une pente glaciaire raide en sortie, et de la randonnée glaciaire sommitale. Se sentir en marge de l’ensemble des cordées prétendantes au sommet par la voie normale donne forcément une dimension d’aventure à cet itinéraire sauvage ! L’apothéose de la course ? Longer les imposants séracs du glacier du Clot de l’Homme ! En bouquet final, vous pourrez vous offrir le Mont Pelvoux via sa pointe Durand (3932m) pour rendre un bel hommage à ce capitaine ayant conquis le sommet en 1828.
 
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Les séracs du Clot de l’Homme – ©Yann Romaneix

 
Conditions nécessaires pour cette ligne :
  • Pour le premier tiers en rocher il faut que cela soit sec ou bien transformé pour faciliter l’évolution,
  • Pour le second tiers en couloir, on cherchera une neige transformée avec bon regel pour un meilleur cramponnage,
  • Pour le dernier tiers et pouvoir sortir sur le plateau du glacier du Pelvoux, il sera nécessaire que la crevasse sommitale du glacier du Clot de l’Homme soit franchissable !
En effet, certaines années, cette dernière traverse la totalité de la sortie et défend ainsi la sortie sur le glacier du Pelvoux. Le jumelage depuis le refuge et les conseils du gardien vous permettront de prendre votre décision quant à votre engagement dans cet itinéraire. Le topo est à disposition au refuge.
 
Une fois au sommet vous aurez différentes options pour rejoindre la vallée : soit la traversée classique du Pelvoux jusqu’à Ailefroide via les fameuses vires éponymes, soit une descente par les Rochers Rouges (itinéraire totalement rocheux), soit par le couloir Coolidge (technique, expo et dépendant de l’horaire).
 
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L’immensité des Ecrins face au mont Pelvoux – © Yann Romaneix

 
Grande Sagne, arête NE (AD)
Itinéraire ouvert par plusieurs ascensionnistes : Frendo & Prangé en juil. 1931 pour la pointe de Serre Soubeyran, Blachère en aout 1931 pour la pointe Frendo & la Petite Sagne, Mettrier, Estienne & Engilberge en juil. 1906 pour la Grande Sagne.
 
Il s’agit de l’ascension de la Grande Sagne depuis la pointe de Serre-Soubeyran, via la pointe Frendo & la Petite Sagne… une ascension qui peut se pousser pourquoi pas jusqu’à la Barre des Ecrins ! Le bassin du glacier Blanc, au cœur du Parc National des Ecrins, présente un terrain de jeu de toute beauté pour l’alpinisme et est largement connu pour ses classiques : Dôme et Barre des Ecrins, Roche Faurio, Neige Cordier, Pic d’Arsine, Agneaux, arête des Cinéastes, arête S du pic du Glacier Blanc, Pointe Louise… Alors que finalement la rive droite du glacier Blanc est somme toute un peu désertée !
 
Si vous êtes en quête de solitude à deux pas d’un refuge, au centre d’un massif, cette course est faite pour vous ! Elle se déroule sous vos yeux depuis le refuge des Ecrins (partenaire Masherbrum), tenu par Damien Haxaire, encore lui ! Certes la qualité du rocher n’est pas des meilleures, à l’image des “prises à tiroirs” des Ecrins, mais cela ne s’avèrera pas gênant à qui saura en tirer le meilleur, notamment dans le fait de rester au maximum sur le fil. Côtée AD, la course reste relativement peu difficile dans l’ensemble, si ce n’est les premiers mètres de l’attaque de l’arête et un court passage sous l’aiguille du glacier Blanc (IV), Ce voyage sur le fil, entre glacier Noir d’un côté et Blanc de l’autre, vous ravira par son cadre et son panorama.
 
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Une arête sauvage en rive droite du glacier Blanc – ©Yann Romaneix

 
L’itinéraire requiert une bonne aisance sur l’assurage en mouvement afin de tenir l’horaire ainsi qu’une bonne habitude sur ce type de terrain, notamment pour la désescalade depuis le sommet de la Grande Sagne. On peut aussi facilement imaginer continuer cette longue arête jusqu’au point culminant du massif : la Barre des Ecrins (4102m). Il faudra alors réfléchir à la stratégie à adopter pour enchainer l’ensemble des arêtes en deux ou trois jours selon la vitesse d’évolution de la cordée, avec au minimum un bivouac (emplacements possibles au col de la Grande Sagne, à la brèche des Barres (à vérifier) ou à la brèche des Ecrins. L’itinéraire de la pointe Mettrier à la Barre des Ecrins passera forcément par la traversée de Barre Blanche (une partie en face Sud), de la brèche des Barres, de Barre Noire, de la brèche des Ecrins pour enfin se terminer sur le fil de l’arête E de la Barre. Le terrain a dominance rocheux (correct pour la pointe Mettrier et Barre Noire, médiocre sur le reste de la ligne) n’en restera pas moins mixte au passage des cols et brèches mais surtout pour l’arête E finale de la Barre. Pour ce long voyage alpin il faudra privilégier une arête sèche facilitant l’évolution, en étudiant toutefois le passage de la rimaye pour rejoindre le bassin du glacier Blanc depuis la descente du col de la Grande Sagne. Il est également possible de descendre sur le glacier Noir, selon les conditions et l’horaire, via le couloir sud. 
 
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Le sommet de la Grande Sagne, un géant parmi les géants – © Damien Haxaire

 

Les Bans, arête Sud (PD)

Itinéraire ouvert par plusieurs ascensionnistes Gardiner, Pilkington, Reynier, Verne, Gaspard et Turc, Escarra, Brun entre 1878 et 1909.
 
Cette montagne esthétique qui jaillit du glacier de la Pilatte, offre une multitudes d’itinéraires. Côté Oisans, sa voie normale via son arête ENE (PD+). Sur sa face Sud, côté Vallouise, on y trouve de nombreux itinéraires techniques essentiellement rocheux comme : la Giraud, la Picard-Vernet et une multitudes de grandes voies d’escalade comme le Pas d’azile pour Pazuzu, les Bans publics, ou Isabelle aux Bans etc…
 
Dans cette même vallée on trouve également la fameuse arête de Coste Counier, le pic des Aupillous, le Jocelme et le Bonvoisin (cf ci-dessous). Mais surtout cette vallée offre une voie d’accès aux Bans accessible et méconnue : il s’agit de l’arête sud, côtée PD ! Guère difficile, il faudra néanmoins savoir tenir l’horaire à la montée comme à la descente, car le retour au refuge des Bans depuis le sommet n’est pas trivial. Cette course est plus variée que difficile et se déroule sur une large arête à cheval entre les vallées de la Vallouise et du Valgaudemar, avec un fond de Sirac au sud, de Meije au nord et de Mont Pelvoux à l’est. Décollage de rétine garanti !
 
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Du mixte panoramique sur l’arête sud des Bans – ©Yann Romaneix

 
A la brèche des Bans vous aurez une magnifique vue plongeante sur le glacier de la Condamine mille mètres en contre-bas. Cette ambiance vous accompagnera jusqu’à la conquête du sommet des Bans à 3669m. Pour ce faire, après un léger crochet descendant versant Valgaudemar depuis la brèche, il faudra rejoindre au mieux le fil de l’arête SW issue du sommet : soit directement dans un bastion rocheux (PD), soit par une ascendance montante à gauche. Il s’agit ensuite de simplement suivre le fil : pas de piège tout est visible ! Dans cette course jamais difficile, à l’itinéraire évident, il vous faudra cependant bien repérer la brèche marquée (petit cairn +ficellou) permettant de basculer dans le couloir rocheux amenant au névé Ovale. Celui-ci vous permet d’atteindre le glacier des Bans par deux ou trois rappels selon l’enneigement, et ainsi rejoindre la combe d’accès matinale. Vous bouclerez ainsi un beau voyage alpin !
 
Cette arête sud des Bans est un must dans ce niveau de difficulté : sauvage, variée et à la vue imprenable, vous l’avez compris le guide est fan ! Pour cette ligne, il est fortement conseillé (voir obligatoire) de viser le début de saison : la neige facilitant ainsi l’accès à la brèche des Bans et le retour via le glacier des Bans n’en sera que plus agréable et moins expo.
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Sommet des Bans avec la vue sur le versant S de la Barre des Ecrins et la face S de la Meije © Yann Romaneix

 

Pic de Bonvoisin, éperon NNE (AD+)

Itinéraire ouvert par Leininger, Martin, Villiers de l’Isle-Adam en juil. 1935.

 

Sommet imposant au cœur de la vallée des Bans, le Bonvoisin, fait partie de ces sommets oubliés. Et pourtant son arête NNE, bien visible depuis la terrasse du refuge des Bans, s’affiche comme une ligne évidente pour qui apprécie les itinéraires rocheux. Une envolée peu homogène dans un terrain très montagne, au rocher “Oisans” (ie : parfois médiocre), où ici la règle est de trouver le passage le moins mauvais, de réussir à se protéger en grimpant, tout en gardant une vitesse d’évolution adaptée afin d’atteindre le sommet et surtout d’avoir du temps pour descendre !

Même si les cotations intrinsèques ne dépassent pas le 4+, il faudra avoir l’habitude de ce type de terrain rocheux “made in Ecrins”, avec “prises interactives”. Cette course nécessite d’alterner entre l’assurage en mouvement et le fait de tirer quelques longueurs. Il n’y a guère de matériel en place : un relais à la sortie du premier ressaut, quelques pitons ici et là dans les trois longueurs… cette arête s’adresse à un public autonome et rôdé au TA (Terrain d’Aventure).

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Tracé de la course – ©Yann Romaneix

La conquête du sommet du Bonvoisin à 3480m ne sera qu’une partie de l’entreprise commencée au lever du jour ! En effet la descente à la brèche des Bruyères vous demandera d’explorer sans cesse les meilleures options de descente, très souvent à gauche du fil. La remontée courte et facile au Pic de Malamort vous permettra de souffler un peu, et de jeter en arrière un regard au Bonvoisin, conquis quelques heures auparavant.

Mais la journée n’est pas finie pour rejoindre la vallée de L’Aup Martin, en direction de la cabane de Jas Lacroix. Il est vivement conseillé d’avoir encore du temps devant soi et surtout de la visibilité pour descendre à vue via le vallon de Malamort, de manière à louvoyer au mieux entre les barres rocheuses, torrents et dalles moutonnées. On peut facilement dire que la course commence ici ! Une fois seulement le GR54 du fond de vallée atteint, vous pourrez vous laisser glisser jusqu’au parking de départ d’Entre les Aigues, tout en savourant cette rotation hors des sentiers battus, et loin des foules. Une véritable course alpine variée, demandant de tenir l’horaire, d’être efficace sur les techniques d’évolution selon le terrain, de maitriser la désescalade depuis le sommet jusqu’à la brèche des Bruyères, et enfin un bon sens de l’itinéraire pour rejoindre le fond de vallée.

Il est préférable d’attendre des conditions sèches pour l’ensemble de l’itinéraire ainsi qu’une bonne météo, de façon à avoir de la visibilité et du temps devant soi pour une belle journée en montagne.

 

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Solitude garantie dans ce coin des Ecrins ! – © Yann Romaneix