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Ski d’été dans le Valais

Quand on est accro à la glisse, c’est dur d’arrêter ! Ce week-end de juin, nous sommes partis chercher la neige à 4000m dans les Alpes suisses pour une dernière virée à skis de l’année.

Dans le club des drogués du ski, il y a ceux qui ne veulent jamais ranger les planches. Alors que la température dépasse déjà allègrement les 25°C en plaine et que les plages commencent à se remplir de touristes, nous avons encore l’envie farfelue de neige et de froid. Enfin, du froid pas tant : la chaleur actuelle se fait aussi fortement ressentir en altitude !

Zinal est un petit village valaisan perché à 1600m avec des chalets en bois comme sur les cartes postales. Ici on est à la limite de la Suisse francophone. Derrière la crête, tout le monde parle allemand. Zinal est la porte d’entrée de la “couronne impériale”, une ceinture de cinq sommets de 4000m autour du val d’Anniviers : Bishorn (4153m), Weisshorn (4506m), Zinalrothorn (4221m), Ober Gabelhorn (4063m) et la Dent Blanche (4357m). Ces sommets sont entourés d’une pléiade de sommets satellites et cernés par de larges étendues glaciaires.

Parmi tous ces objectifs de premier choix, celui qui nous intéresse est l’Ober Gabelhorn, et notamment sa face nord, une face qui a une certaine réputation dans le monde du ski de pente raide. Haute de 450 mètres et d’inclinaison variant entre 50 et 55 degrés, elle offre du ski aérien avec un panorama magnifique. Comme d’autres faces nord d’altitude, elle ne s’enneige que très tardivement en saison et pour une courte durée. Le reste de l’année, ce n’est souvent qu’une plaque de glace. En effet, la neige n’adhère à ce type de pentes que dans des conditions climatiques très particulières.

Mais avant de penser aux réjouissances il faut d’abord endurer les 11 kilomètres de montée à la cabane du Mountet (2886m), où nous projetons de passer la nuit. Nous progressons à pied sur les moraines jusqu’à ce que des névés nous permettent de chausser les skis et continuer l’ascension en peaux de phoque. La chaleur, accentuée par la réverbération du glacier, est accablante dès le matin. Heureusement, les murs en pierre du refuge, édifiés il y a 130 ans, gardent un peu de fraîcheur. L’après-midi sera occupé par une montée sur le glacier du Mountet jusque 3500m afin d’avoir une meilleure vue sur la face nord de l’Ober Gabelhorn et essayer d’en apprécier les conditions.

Les sacs sont lourds, mais la motivation est là !

La cabane du Mountet, un îlot de confort au coeur des glaciers

L’itinéraire emprunté

Au refuge, le rituel habituel se met en place : hacher du bois pour le poêle, trouver de l’eau ou faire fondre de la neige, faire sécher les affaires trempées de neige et de sueur. Et accessoirement, se dorer la pilule sur les chaudes dalles de granite. On n’est pas venus là pour souffrir !

La nuit est courte et agitée : chaque cordée se lève selon son propre horaire. Certains à 2 heures du matin, d’autres à 3 heures, pour nous les fainéants ce sera grasse matinée jusqu’à 3h45 ! Les vapes de sommeil se dissipent vite, car nous savons qu’une belle journée en haute-montagne nous attend. Une première descente suivie de la traversée d’un glacier nous mène au pied de la voie. En tout, celle-ci fait 1000 mètres : nous devons en effet passer une première section de 550 mètres, de raideur assez sérieuse elle-aussi, avant d’arriver à la face proprement dite.

La troupe à pied d’oeuvre !

Grâce à nos prédécesseurs, deux Suisses et deux Allemands, nous profitons d’une belle trace et la montée en crampons dans la neige dure est très efficace. Par contre, une fois dans la face, cela se gâte : bien qu’il soit tôt, les premiers rayons du soleil tapent à la perpendiculaire et chauffent très fort. Tout de suite, la neige devient incroyablement lourde et humide. De petites purges apparaissent. Une zone d’une trentaine de mètres en glace nous fait apprécier l’usage des deux piolets.

Malgré tout, l’horaire est respecté : comme prévu, nous sommes au sommet à 9 heures du matin, en présence des deux autres cordées. D’un coup d’oeil, nous balayons l’immensité des Alpes suisses : les glaciers impressionnants du Mont Rose (4634m), la formidable pyramide du Cervin (4478m), les étendues blanches de l’Oberland ou encore les nombreux 4000 de Saas-Fee.

Exultation au sommet ! Mais le plus dur reste à venir !

Le Cervin, la montagne du Toblerone !

Au sommet la neige dure n’a pas encore dégelé. Les premiers virages de mise en jambes demandent précision et concentration. Rapidement, nous basculons dans la face. Celle-ci se révèle très délicate, à cause de bandes de glace sous-jacentes et de la neige inconsistante. Chacun choisit le cheminement qui lui semble le plus adapté. Le piolet n’est jamais très loin et nous nous en servons quelques fois en guise d’ancrage pour franchir des passages où les carres de nos skis n’accrochent pas suffisamment.

 

Départ à skis du sommet : directement mis dans le bain !

Prêts à s’engager dans la face nord

Malgré les apparences, nous devons veiller à la glace sous-jacente

Une fois au pied de la face, nous restons concentrés car il reste environ 500 mètres à 45 degrés, en neige gelée. Ce n’est qu’une fois de retour sur le large glacier que nous pouvons souffler. En louvoyant entre les bandes de neige, nous arrivons à skier jusqu’à 2100m d’altitude. Plus bas, il faut remettre les baskets et marcher jusqu’à Zinal.

 

Le confort d’un t-shirt Ultrasoft bien appréciable pour un week-end en altitude

Une aventure qui se termine avec quelques bières gardées au frais dans le torrent, accompagné d’un plouf pour la féminine de l’équipe, guère frileuse.

Maintenant, il est temps de laisser dormir les skis au placard quelques mois. Merci à Guillaume, Julien, Anne-Lo, Pierre, aux amis helvètes, et vivement l’hiver prochain !