“Paralpinisme” : vous avez peut-être déjà entendu ce néologisme sans savoir s’il s’agissait de parapente, parachute, parapluie ou de jeux paralympiques. Le paralpinisme, c’est simplement une façon de se déplacer en haute-montagne en utilisant une voile pour descendre des sommets. On vous explique tout sur cette discipline en plein essor avec l’interview de notre guide et ambassadeur Antoine Rolle.
Masherbrum : En quoi cette pratique est-elle nouvelle?
Antoine Rolle : Le paralpinisme n’est pas en soi une nouvelle discipline. Jean Marc Boivin, l’un des pionniers, décollait déjà en parapente du sommet de l’Everest dans les années 80. En revanche, sa démocratisation est effectivement récente. Elle est notamment liée aux dernières avancées en termes de matériel. Maintenant, nous avons accès facilement à des voiles légères et plus faciles d’utilisation. Celles-ci sont conçues pour qu’un débutant puisse faire ses premiers vols rapidement. Elles sont plus « sûres » et permettent d’être autonome avec peu d’expérience. Il y a un vrai engouement pour cette discipline qui fait rêver plus d’un alpiniste.
Masherbrum : Qu’est-ce qui t’attire dans le paralpinisme ?
AR : Il y a clairement différents facteurs qui m’attirent. Le premier est le côté fun. Qui n’a jamais rêvé de décoller du sommet d’une montagne pour en redescendre ? Planer après avoir grimpé, c’est le pied. Les vols sont généralement exceptionnels avec de gros dénivelés. On survole des faces et des sommets avec une vue unique. On évite donc les descentes à pied fastidieuses et beaucoup moins drôles. Ca nous amène au second facteur important, la sécurité. On dit souvent qu’à la descente une deuxième course commence : la fatigue s’accumule et notre vigilance peut alors se relâcher. Bon nombre d’accidents ont lieu à ce moment. Redescendre en parapente, c’est s’enlever des heures de pratiques dans les jambes et donc réduire le risque. Si, bien évidemment, les conditions de vols sont bonnes.

Vol au-dessus de la Gordolasque à la limite du Parc National du Mercantour. © Florian Bonnet
Masherbrum : Quels sont les prérequis selon toi, en termes de niveau de parapente ?
AR : Pour ma part, j’ai commencé pendant plusieurs années par la pratique du parapente classique. Cela m’a permis d’engranger de l’expérience en termes de pilotage et d’apprendre à gérer des situations compliquées en l’air. J’ai tendance à conseiller aux copains de pratiquer le parapente avant de se mettre au paralpinisme. C’est un gage de sécurité pour apprendre les bons gestes en cas de turbulences et pour ne pas se retrouver dans de mauvaises postures. Cependant certaines écoles de parapente proposent des stages d’apprentissages sur voiles montagne, ce qui doit être un moyen plus rapide d’atteindre vos envies de paralpinisme.
Masherbrum : T’es-tu déjà retrouvé dans des conditions de décollage délicates du sommet ? Est-ce dur de renoncer à décoller une fois que tu as porté tout le matériel jusqu’en haut ?
AR : La question qui tue (rires). Bien entendu quand tu portes ta voile jusqu’au sommet, tu ne penses qu’à décoller. La frustration de ne pas pouvoir est donc énorme. Contrairement au parapente, en paralpinisme cette situation où l’on doit renoncer ne m’est jamais arrivée. On choisit généralement la journée en fonction de la météo. Il nous faut jongler entre conditions de vol et conditions de montagne. Je ne décide de prendre ma voile que si la possibilité de vol est très forte. J’optimise mes chances pour éviter les échecs. Chacun met son curseur à des niveaux différents en fonction de son expérience. Parfois les conditions évoluent plus rapidement que prévu. Je me souviens d’un vol banzaï au sommet du Teillon. Nous venions de grimper une cascade en face nord, et je ne m’étais pas rendu compte que le vent avait forci. J’ai décollé sous le vent, légèrement à l’abri (grosse erreur), mais une fois en l’air je me suis fait secouer comme jamais. Si j’avais mieux évalué les conditions, je ne me serais pas mis en l’air. Sacré souvenir.
Masherbrum : Que recommandes-tu comme type de voile et sellette ? En quoi le matériel est-il différent de celui du parapente classique ?
AR : Entre le parapente et le paralpinisme, le matériel est très différent. En parapente le but est de voler longtemps et de remonter les thermiques alors qu’en paralpinisme le but est plutôt de redescendre d’une montagne. Les voiles sont plus légères et compactes, et leurs surfaces sont plus petites (14/16 m2 contre plus de 20m2 en parapente). Les sellettes sont également plus légères et compactes mais moins confortables. Viens alors le débat pour le choix de sa voile : mini-voile ou mono-surface ?! Pour ma part, je suis partagé. Il y a des avantages et les inconvénients et des avantages aux deux. La mono-surface sera la plus légère et la plus compacte, idéale pour du paralpinisme extrême. Les mini-voiles sont-elles plus polyvalentes et seront plus rapides si le vent est fort. Il faut essayer les différents types d’ailes pour se faire sa propre idée. J’utilise principalement une RunandFly comme mono-surface. J’ai pu récemment essayer grâce à Ozone la nouvelle Ultralight en 17m2 qui vient de sortir. Le résultat est convainquant, à suivre.

Prise d’élan au sommet du Mont Blanc. © Manu Brechignac.
Masherbrum : Quels sont tes plus beaux souvenirs en paralpinisme ?
AR : Il y en a plusieurs mais l’un des plus beau était en mars dernier. Avec deux amis, nous avons décollé du sommet du Mont blanc après avoir gravi l’Hypercouloir, une goulotte mythique en face sud. Cet enchainement fut exceptionnel et c’est pour ce genre de journée que je pratique le paralpinisme.
Masherbrum : Pour finir, un conseil pour ceux qui voudraient tester ?
AR : Gare à vous, essayer c’est l’adopter !
Retrouvez l’ascension du Mont Blanc par l’hypercouloir du Brouillard, par Antoine Rolle, suivi de sa redescente en parapente :