Il est des évènements dont la portée dépasse le monde du sport. C’est le cas de l’Ultra Trail du Mont-Blanc, une course démesurée (171 km et 10 000 m de D+) dont la popularité ne cesse de grandir, tant auprès des traileurs que des spectateurs toujours plus nombreux. Mais à quoi peut donc bien ressembler une telle épreuve, en terme de vécu et de préparation ? C’est ce que nous avons demandé à Quentin Esquenet, un masher-traileur qui a participé à l’édition 2018 il y a quelques jours à Chamonix.
Tout d’abord, comment te sens-tu quelques jours après avoir bouclé l’UTMB ?
Heureux d’être finisher ! C’était vraiment un rêve de gosse cette course, le genre de rêve que tu ne penses pas réaliser un jour. Mais finalement étapes après étapes je me suis rapproché de ce rêve jusqu’à être sur la ligne de départ de l’édition 2018. Puis sur la ligne d’arrivée quelques heures après ! L’émotion était immense!
Qu’est-ce qui t’a motivé à participer à l’UTMB ?
Je me souviens de la victoire de Kilian en 2008, il avait 20 ans. J’entendais parler de l’UTMB pour la première fois. C’était démesuré, 160km et quasi 10 000m de D+ ! Qui peut faire ça ? Je courrais à peine 15km que j’étais déjà motivé pour tenter cette course un jour. Un jour… !
Puis il y a deux ans, après avoir réalisé le Mont Blanc en alpirunning avec Boris, on était allés voir l’arrivée des premières féminines. L’ambiance m’avait complètement conquis, et la chasse aux points était lancée ! (Pour participer à l’UTMB il faut avoir acquis un certain nombre de points sur d’autres courses, ndlr). En septembre-octobre 2016 je m’inscrivais donc au MIUT (Madère Island Ultra Trail) et à la TDS (Trail des Ducs de Savoie) ainsi qu’à la Saintélyon prévue en décembre 2016. En me disant que potentiellement en 2018 je pourrais tenter le tirage au sort pour l’UTMB.

Une préparation minutieuse du matos : une des clés pour aller au bout ! ©Quentin Esquenet
Comment t’es-tu préparé pour un effort aussi long ?
Pour moi ce genre de course se prépare sur deux à trois ans, surtout lorsque c’est son premier 100 miles (course de plus de 160km, ndlr). Il faut engranger de l’expérience, bien se connaître pour travailler sur ses points faibles et surtout avoir une grosse confiance en soi pour surmonter les coups de moins bien pendant l’entrainement et pendant la course. Du coup, en 2016, je décide de me lancer dans cette aventure, je commence par faire la Saintélyon en décembre pour gagner quelques points et travailler le foncier. C’est important de savoir courir pendant longtemps sur du long. Puis l’avantage de la STL c’est que tu bosses le mental car tu cours de nuit.
En 2017, je prévois deux courses de plus de 100km pour gagner en expérience et me faire plaisir sur des épreuves qui m’intéressent. Entre les deux on se fait une belle sortie off avec Boris, la traversée du Vercors (80km assez roulant en autonomie), projet ultra sympa. Bref, je m’entraîne en me faisant plaisir, je découvre de nouveaux endroits, mais j’ai toujours dans un coin de ma tête l’UTMB. De plus, pour moi, si je ne veux pas passer plus de 35 heures sur le parcours, il faut que j’apprenne à courir vite et à tenir l’allure le plus longtemps possible donc j’essaie de faire des entraînements long ou course de 30-40km où l’on peut courir sans pour autant dénigrer le D+. A long terme j’ai donc travaillé la gestion de course, la gestion d’une nuit en montagne, et travaillé le foncier.
A court terme, les quatre mois avant la course, je me suis remis au vélo pour faire du volume, à 50/50 avec la course à pied en terme d’heures d’entraînement. Je voulais vraiment éviter une blessure. J’ai beaucoup travaillé la vitesse sur du 20-30km en début de saison. Je me suis fait une grosse semaine de volume pendant les ponts de mai avec de la course, du ski de rando et du vélo. Puis la Maxi-Race fin mai où j’ai essayé de donner du rythme pour bien me cramer, voir jusqu’où ça tiendrait.

A l’arrivée de la Maxi-Race, une bonne préparation pour l’UTMB – ©Quentin Esquenet
Au dernier moment, je me suis inscrit à la 6000D fin juillet pour tester une longue montée puis longue descente (3000m de D+ puis de D-). Ça m’a confirmé que j’étais bien en forme. J’ai donc fini les quatre dernières semaines d’entraînement tranquille avec du fractionné sur Lyon dans les escaliers et de la rando sur plusieurs jours et le sac de 15kg. Après ça, le sac de 3kg ne se sent plus ! J’arrive donc fin août avec environ 300 heures d’entrainements, tous sports confondus, depuis le début d’année. Et plus précisément, avec plus de 1000km et 45 000m de D+ en course à pied.
Connaissais-tu déjà le parcours ?
Non pas vraiment, certaines portions étaient communes avec la TDS mais nous les avions réalisées dans l’autre sens. J’aime beaucoup découvrir de nouveaux paysages pendant une course. Du coup, je réalise rarement des reconnaissances même si j’évolue donc en aveugle vis-à-vis de la technicité du terrain. C’est un choix mais vu que je ne cherche pas à approcher le podium, je préfère garder le plaisir de la découverte lors de la course.

Même après une nuit sans dormir, l’important est de garder le sourire ! – ©Quentin Esquenet
Est-ce que l’UTMB a quelque chose de spécial par rapport aux autres ultras que tu as pu faire ?
C’est une grosse machine très bien organisée. Médiatiquement, ils sont au top, tout le monde connaît l’UTMB ! Lorsque tu en parles avec des néophytes, ils connaissent déjà de nom la course. Le parcours est également mythique, le tour du Mont Blanc est aussi connu que le GR20 en trek et ce n’est pas par hasard. C’est un parcours magnifique ! Tous ces éléments font qu’il y a énormément de monde sur le bord des sentiers. Le départ et l’arrivée à Chamonix sont forts en émotions !
As-tu eu des moments de doute avant et pendant la course ?
Avant, on en a forcément, avec la même pensée qui revient “ai-je fait assez de km cette année?” mais j’arrive facilement à prendre le dessus et me faire confiance. Je ne parlerais pas forcément de doute pendant la course, mais plutôt de moment difficile à surmonter.

Un petit masher-dab en direct sur le live de l’UTMB !
Du coup, quel a été ton meilleur moment sur le parcours ? Et le pire ?
J’ai vraiment eu beaucoup de moments où j’étais très bien, des moments super agréables! Comme avant l’arrivée à Champex Lac où je vois mes parents au loin, on marche un peu ensemble puis Olivia, ma chérie, arrive à notre rencontre. Whaou ! Ça fait du bien de voir des têtes connues après quasi 23 heures de course. Comme à Chapieux où Marine, Marien et Clément m’ont fait la surprise de venir pour m’encourager ! Il était minuit passé et de les voir ici était juste dingue ! L’arrivée était également très intense en émotions, de voir tous ces spectateurs qui nous encouragent, incroyable !
Coté pire moment, heureusement pour moi il est beaucoup plus facile à choisir. La montée à la Flégère a été interminable. Dernière bosse du parcours, je l’attaque au milieu de ma deuxième nuit, je me dors dessus, voir je dors vraiment assis sur le bord du chemin. J’ai énormément d’imagination, je n’avance pas.. Le terrain est assez technique, cailloux, marches, racines, avec mon inflammation à la jambe gauche et mes quadris qui se sont faits la malle, je suis lent… Du coup c’est long ! Je mettrai 15 heures pour faire les 45 derniers kilomètres.

Le soutien psychologique est un paramètre à ne pas négliger – ©Quentin Esquenet
Quelles sont les futures courses que tu rêves de faire en trail ?
Une autre grande course qui me fait rêver est la Hardrock 100 aux Etats-Unis. Découvrir cette course historique et mythique serait exceptionnel. La transmartinique me fait bien envie aussi pour des raisons personnelles. La Lavaredo Ultra Trail dans les Dolomites doit être canon également. Et je rêve aussi de participer au Marathon des Sables. Ma motivation numéro une est de découvrir de nouvelles régions, des paysages bluffants, une histoire et autant que possible la culture locale !
Est-ce que tu aurais un conseil à donner à quelqu’un qui se tâte à essayer un ultra-trail ?
Augmente en distance progressivement pour apprendre à te connaître dans toutes les conditions, prends du plaisir au maximum et entraîne-toi dur, ça rendra la course plus simple et surtout ne néglige pas la vitesse.
En vidéo : Vivez l’UTMB à travers les yeux de Quentin